Les futurs avions seront-ils inspirés du Bombardier B-2 Spirit ?

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Les compagnies aériennes mondiales explorent de nouveaux carburants et des designs radicaux pour réduire les émissions de carbone.

Le secteur aéronautique pourrait bientôt voir un avion au design révolutionnaire, semblable à un bombardier furtif, prendre son envol en Californie. La start-up américaine JetZero développe un avion à aile volante intégrée qui promet de réduire de 50 % la consommation de carburant par rapport aux avions conventionnels. Cette innovation s’inscrit dans les efforts de l’industrie pour atteindre l’objectif de zéro émission nette de carbone d’ici 2050, en combinant des technologies avancées et l’utilisation de carburants d’aviation durables (SAF).

Une révolution dans le design des avions

Depuis les années 1950, le design de base des avions commerciaux, caractérisé par un fuselage tubulaire et des ailes latérales, est resté inchangé. Cependant, d’ici la fin de la décennie, un avion au design radicalement différent pourrait sillonner le ciel californien. La start-up américaine JetZero et ses partenaires espèrent que cet appareil deviendra l’avenir de l’aviation commerciale, offrant une solution pour réduire drastiquement les émissions de carbone.

Le design innovant de JetZero, inspiré de l’aile volante des bombardiers furtifs, a attiré l’attention des compagnies aériennes des deux côtés de l’Atlantique. Cette conception, appelée « blended wing » ou aile intégrée, fusionne les ailes et le fuselage en une seule structure, améliorant ainsi l’aérodynamisme et l’efficacité énergétique.

Le développement de cet avion s’inscrit dans une tendance plus large de l’industrie aéronautique, qui explore diverses technologies pour atteindre l’objectif ambitieux de zéro émission nette de carbone d’ici 2050. Parmi ces technologies figurent les carburants d’aviation durables (SAF), les avions électriques et les avions à hydrogène.

La nécessité de telles innovations est renforcée par des réglementations environnementales de plus en plus strictes et la menace de taxes sur les émissions liées au transport aérien. Actuellement, l’aviation représente entre 2 % et 3 % des émissions mondiales de CO₂, un chiffre qui pourrait augmenter à mesure que d’autres industries réduisent leurs propres émissions plus rapidement.

Les défis environnementaux du secteur aérien

Le secteur aérien est confronté à des défis majeurs pour réduire son empreinte carbone. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 nécessiterait un investissement annuel moyen de 128 milliards de dollars (environ 115 milliards d’euros) dans les SAF et d’autres technologies. Bien que l’IATA affirme que cet objectif est réalisable, elle souligne la nécessité d’un soutien gouvernemental accru.

Les carburants d’aviation durables sont considérés comme une solution clé. Un avion fonctionnant uniquement avec du SAF peut réduire jusqu’à 70 % ses émissions par rapport au carburant conventionnel. Cependant, la production actuelle de SAF est d’environ 1,5 million de tonnes par an, loin des 24 millions de tonnes nécessaires d’ici 2030 pour faire des progrès significatifs vers l’objectif de 2050. D’ici 2050, il faudrait atteindre une production de 500 millions de tonnes.

Les compagnies aériennes souhaitent continuer à croître tout en réduisant leurs émissions, mais ces deux objectifs semblent incompatibles sans innovations majeures. La conception à aile intégrée de JetZero pourrait être une solution pour résoudre ce dilemme en offrant une efficacité énergétique nettement supérieure.

JetZero et la conception à aile intégrée

La start-up JetZero, fondée en 2021 par des anciens cadres de l’aérospatiale, développe un avion à aile intégrée qui pourrait révolutionner le transport aérien. En 2022, la société a obtenu un contrat de 235 millions de dollars (environ 212 millions d’euros) de l’US Air Force pour développer un avion de démonstration. Des compagnies comme Alaska Airlines et easyJet ont manifesté leur intérêt, cette dernière ayant conclu un partenariat avec JetZero en octobre 2023.

Le design de JetZero combine les ailes et le fuselage de manière similaire au bombardier B-2 de l’US Air Force. Selon l’entreprise, cet avion pourrait consommer 50 % de moins de carburant qu’un avion conventionnel de taille comparable, tout en utilisant des technologies de moteurs existantes. Il en résulterait une réduction de 50 % des émissions.

Avec une capacité prévue de 200 à 250 passagers, l’avion de JetZero comblerait l’écart entre les avions à fuselage étroit, comme le Boeing 737 et l’Airbus A320, et les modèles plus grands à double couloir. La société prévoit de commencer les vols avec un démonstrateur à l’échelle réelle en 2027.

Malgré le scepticisme de certains analystes quant au calendrier ambitieux de JetZero, la perspective d’une réduction radicale de la consommation de carburant d’ici 2030 est très attrayante pour les compagnies aériennes. Surtout dans un contexte où la production de SAF n’augmente pas aussi rapidement que prévu, et où les nouveaux avions plus efficaces d’Airbus et de Boeing sont livrés plus lentement qu’anticipé.

Les efforts des grands constructeurs : Airbus et Boeing

Les deux principaux constructeurs aéronautiques mondiaux, Airbus en Europe et Boeing aux États-Unis, ont également expérimenté des designs à aile intégrée. En 2019, Airbus a dévoilé un prototype appelé MAVERIC, qui explore les avantages aérodynamiques de cette configuration. Cependant, JetZero estime pouvoir avancer plus rapidement que ces géants de l’industrie.

Airbus et Boeing se sont engagés à ce que leurs avions puissent voler avec 100 % de SAF d’ici 2030. Actuellement, les avions existants peuvent utiliser jusqu’à 50 % de SAF mélangé avec du carburant d’aviation conventionnel. Glenn Llewellyn, vice-président des technologies zéro émission chez Airbus, a déclaré que les constructeurs et les motoristes travaillent intensivement pour que la technologie ne soit jamais un obstacle à l’adoption de carburants bas-carbone comme le SAF.

Cependant, le principal défi reste la production insuffisante de SAF. La faible disponibilité de ce carburant durable limite son utilisation maximale possible dans les avions actuels. Les constructeurs comptent également sur le lancement d’une nouvelle génération d’avions à fuselage étroit au milieu de la prochaine décennie, qui devraient être plus efficaces de 15 % à 25 % grâce à des moteurs améliorés, des designs d’ailes optimisés et des matériaux plus légers.

L’hydrogène et l’avenir à long terme de l’aviation

À plus long terme, Airbus mise sur le développement d’un avion propulsé à l’hydrogène d’ici 2035. L’entreprise investit des centaines de millions d’euros dans ce programme, qui comprend quatre concepts d’avions différents, dont un à aile intégrée. Airbus explore deux options de propulsion : l’hydrogène liquide et les piles à combustible à hydrogène.

En 2022, Airbus a réussi à tester une pile à combustible à hydrogène avec un niveau de puissance jugé nécessaire pour un avion commercial. L’un de ses concepts prévoit un avion de 100 sièges utilisant six moteurs alimentés par des piles à combustible à hydrogène.

Cependant, un des défis majeurs soulignés par Glenn Llewellyn est de savoir si l’écosystème d’approvisionnement en hydrogène sera suffisamment développé pour atteindre l’objectif de 2035. La question clé est de déterminer s’il y aura suffisamment d’hydrogène décarboné disponible pour soutenir la commercialisation de ces avions.

Les perspectives et les obstacles à surmonter

Malgré les avancées technologiques, le secteur de l’aviation est confronté à des obstacles importants pour atteindre l’objectif de zéro émission nette. La production de SAF n’augmente pas assez rapidement, et les efforts de décarbonation actuels pourraient ne pas suffire. Une étude du cabinet de conseil Bain prévoit une augmentation nette de 3,4 % des émissions mondiales de CO₂ de l’industrie aérienne d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019, en raison de la croissance du trafic aérien compensant les gains d’efficacité.

Les compagnies aériennes comme Air New Zealand ont déjà abandonné leurs objectifs de réduction des émissions pour 2030, suscitant l’inquiétude des militants environnementaux quant au respect des engagements climatiques de l’industrie. Marie Owens Thomsen, responsable du développement durable à l’IATA, reconnaît que l’industrie n’a pas encore pris un départ fulgurant vers le zéro émission nette, même si l’objectif de 2050 reste en place.

Robert Thomson, associé chez le cabinet de conseil Roland Berger, souligne que 50 % des émissions de CO₂ des compagnies aériennes proviennent des gros avions effectuant des vols long-courriers. Il estime que, dans la perspective de 2050, le SAF est probablement la seule solution pour décarboner ce type de transport.

Le rôle des gouvernements et des politiques publiques

Pour que l’industrie aéronautique atteigne ses objectifs environnementaux, un soutien gouvernemental accru est indispensable. Les compagnies aériennes font pression sur les décideurs politiques pour obtenir des mesures favorisant l’augmentation de la production de SAF et le développement de nouvelles technologies.

Les investissements nécessaires sont colossaux, et sans incitations fiscales, subventions ou réglementations favorables, il sera difficile pour le secteur privé de les assumer seul. L’IATA insiste sur le fait que l’objectif de zéro émission nette est réalisable, mais dépend fortement du soutien des gouvernements, des producteurs de carburant et des constructeurs aéronautiques.

Des politiques telles que des mandats de mélange de SAF, des subventions à la production et des investissements dans l’infrastructure d’approvisionnement en hydrogène pourraient accélérer la transition. Sans ces mesures, le secteur risque de ne pas atteindre ses objectifs, avec des conséquences potentielles telles que des taxes sur le carbone plus élevées ou des restrictions réglementaires.

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L’avenir du transport aérien en jeu

Le design novateur de JetZero et les efforts des grands constructeurs comme Airbus et Boeing illustrent la détermination du secteur aéronautique à relever le défi climatique. Les technologies émergentes, qu’il s’agisse de l’aile intégrée, des avions à hydrogène ou de l’utilisation accrue de SAF, offrent des voies prometteuses vers la décarbonation.

Cependant, le chemin est encore long, et le secteur doit surmonter des obstacles technologiques, économiques et politiques. La collaboration entre les compagnies aériennes, les constructeurs, les gouvernements et les autres parties prenantes sera essentielle pour transformer ces ambitions en réalité.

Les compagnies aériennes restent convaincues que leur objectif de zéro émission nette est atteignable avec le bon soutien. Comme l’a déclaré Marie Owens Thomsen de l’IATA : « Nous pouvons dire oui. Mais c’est en quelque sorte une supposition, car la distance entre où nous sommes aujourd’hui et où nous devons être est si grande. »